Octobre/Novembre

Mardi 4 octobre, 22h30
Coucher tôt, pour lever à l’aube, le rythme s’accélère dans mes interventions à Cqfd. Pas le temps de voir défiler trop vite ce temps. Je me rapproche de la quarantaine sans avoir vraiment joui à plein de l’existence. Les impératifs matériels hypnotisent notre temps de vie alloué et l’on remet à plus tard les impossibles réalisations.
Chirac de retour sur la scène médiatique, après son souci médical, vient moucher et ridiculiser le choix de titre du Parisien, l’un des seuls journaux parus aujourd’hui en cette journée folklore de manifestation. Devant caméras et micros, il revient sur sa position sans atermoiement concernant la future adhésion de la Turquie. On peut reconnaître, sans partager sa finalité, la force de ses arguments : préférons-nous avoir une Turquie avec nous dans une Europe plus lourde face aux Etats-Unis, ou voir ce grand pays, humilié d’avoir été rejeté malgré ses efforts de démocratisation, tomber dans l’escarcelle des intégristes islamistes ? Vrai problème qui, je le confesse, effrite un peu ma conviction. Que sera notre pays dans quinze ans, et que vaudra notre Union ? Peut-être ne pas se hâter de répondre, mais apprécier les faits, les changements réels.
Dans cette télé de plus en plus merdique, quelques perles d’émissions où fusent l’esprit, le raisonnement et qui maintient l’art du débat télévisuel comme au bon temps du sublime Droit de réponse de l’irremplaçable Polac.
Ces émissions auxquelles je souhaite rendre cet hommage confidentiel : C dans l’air d’Yves Calvi, qui vient de se voir confier en plus l’émission mensuelle Mots croisés ; N’ayons pas peur des mots sur ITV avec les truculentes interventions de Philippe Tesson, Ripostes de Serge Moati…

Dimanche 9 octobre
Chaleur ensoleillée pour ce jour de veillée d’armes à Cqfd, nos vingt-deux aspirants lieutenant débarquent, complétant nos emplois du temps à bloc. Plongée dans la note de synthèse, panoramas tous azimuts de l’actualité, des institutions et de tout ce qui peut enrichir ces têtes curieuses de connaissances.
Nous saurons demain si de Villepin est un bravache grandiloquent ou s’il fait effectivement « liquider » les braillards de la Société Navrante des Cons Maritimes. Cette frange nationaliste qui pousse à la corsisation des emplois aura réussi, avec la complicité de la CGT, à anéantir cette société, ruiner l’économie de l’île et engluer les activités du coin. Les intégristes du syndicalisme, la STC, exigent une nation corse, mais veulent, dans le même temps, conserver le pognon de l’hexagone pour leur personne morale sous perfusion financière. La performance de Corsica Ferrie s’explique aussi par les incompétences cumulées, à tous les échelons, de sa concurrente moribonde.
Je l’ai vécu au premier plan à l’été 2003 : retards, incapacité à encadrer et éclairer les voyageurs mécontents, impossible réactivité… Aucune tolérance donc pour ces troupes engraissées par notre argent et qui se croyaient à l’abri de toute sanction. Leur prétendu service public, ils l’ont méprisé, sali, tout au long de ces décennies de déficit. Qu’ils s’acquittent donc de cette ardoise et cessent d’encombrer les plages médiatiques.

Samedi 5 novembre, 1h40 du mat.
Un mois d’abstinence dans ce Manus XIII qui n’en finit pas de s’éterniser sous ma plume sporadique.
A la période pédagogique chargée chez Cqfd, je peux invoquer une relative léthargie de l’esprit. Rien d’irrémédiable, mais une inclination à laisser s’écouler le temps, à laisser vrombir le monde, sans réaction solide et argumentée.
Pourtant, la semaine des « racailles », le déchaînement des « voyous » à «karchériser» au plus vite, impose la gueulante. Les yeux se fermant et la plume m’échappant des mains… A suivre.

Dimanche 6 novembre
Les médias font leur compte rendu quotidien des vandalismes, saccages et incendies criminels opérés maintenant dans toute la France. L’émulation du pire avec le compteur médiatique amorce une période encore plus sombre pour le pays. La barbarie couvait bien chez les « racailles » : capables de verser de l’essence sur des voyageurs dans un bus et de laisser cramer une handicapée ; capables de détruire des écoles primaires ; capables bientôt de tabasser au hasard des rues. Le jeu destructeur ne cessera qu’avec un drame majeur (un incendie qui tuerait quelques dizaines de personnes) ou l’envoi de l’armée et l’imposition d’un couvre-feu dans ces zones urbaines. L’Etat ne doit rien céder.

Dimanche 13 novembre
De retour au bercail lyonnais après les chaleureux séjours chez maman et papa. J’ai dû focaliser une bonne partie de mon temps sur la correction de la foultitude de copies embarquées.
Malaise informulable lorsque maman et Gilles nous ont déposés à la gare de Cergy Saint-Christophe pour que l’on prenne le RER A. Cette ville nouvelle, prototype sans âme du dortoir aux relents de ghetto pour maghrébins et noirs, m’est remontée à l’arrière gorge en déambulant dans son artère principale en décrépitude. Pourtant, rien de hideux pour l’architecture, et même un quartier conçu par Beaufil qui tend à la grandiose esthétique, mais un peuplement monolithique dont les saillances se résument aux quelques terreurs locales. Le gros du reste vivote dans cette ville fantoche, alternant entre peur diffuse et apathie salvatrice. Je m’explique mieux, cette replongée dans le sordide invivable (par l’ambiance dégagée par les traîneurs du bitume) mon total retrait de toute vie extérieure en dehors du lycée. Un aller-retour entre l’établissement scolaire et l’appartement HLM de la rue Montedour suffisait à alimenter ma nausée existentielle. Extrême détachement de ce monde barbare, refuge dans l’écriture ésotérique (Les boyaux de la pomme à Guillaume) et une misanthropie galopante.
Dans Le Monde Week-end, le témoignage anonyme d’une habitante de la Courneuve, à la cité des 4000, depuis vingt-huit ans. Une insulte pour la dignité humaine que cette pesante quotidienneté qui fait de votre vie un renoncement de chaque instant. La lucidité ne l’a pourtant pas abandonnée. Sans doute encore plus terrible à vivre. Cette rapide immersion au sein de cette localité-dépotoir m’a un peu plus édifié sur l’influence primordiale du cadre de vie sur la santé psychologique de chacun. Et par cadre incluons les grappes humaines qui ennoblissent ou empuantissent l’ensemble minéral.

Dimanche 20 novembre, 1h30
L’essoufflement des vandales de cités ne doit pas nous endormir. A croiser ces bandes de branleurs primaires, on ne peut qu’exacerber son exécration pour ces humains de façade. Ces ineptes ont toujours tout à reprocher au système et rien à remettre en cause chez eux. Parodie d’existence qui sert les potentats de l’économie illicite. Et la collectivité paiera encore, quelques ajouts aux fonds perdus pour éviter une politique expéditive qui ne s’encombrerait pas de ces mollesses démocratiques.
Sortit de ces purulences pour le quotidien banal d’un temps qui défile.
23h. Le tournis de ces semaines à grande vitesse ne laisse aucune place au retranchement créatif. Mes blogs et sites sont en sommeil depuis des lustres et rien en moi ne m’incline à les reprendre. Un vide cultivé pour ne rien avoir à espérer comme avenir artistique. Seule cette sauce noire sur carreaux vivote péniblement, sans impérative justification, aux accents de plus en plus fades…
Avec ma BB, la vie s’écoule sans saillance, mais dans une douceur renouvelée. Sans doute une lourde fainéantise existentielle ne m’incline à aucun dépassement de moi. Ma perspective se borne au gentillet chez-soi et aux plaisirs de l’instant.
Le cirque campe chez les socialos : un Congrès qui aboutit à la synthèse des ennemis d’hier. Bonne figure pour la parade, jusqu’à la désignation (fin 2006) du candidat aux élections présidentielles.

Jeudi 24 novembre,23h34
Premières neiges sur Lugdunum, je maintiens mon éveil pour quelques notes. Appel d’Elo ce soir : elle a raté son DECF et doit subir les foudres maternelles. Son éloignement à Clermont Ferrand n’a pas apaisé les fureurs de la dame.
Quel gâchis que leur vie avec tout le potentiel du bonheur harmonieux mis à mal par ces coups de folie.

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